récits longue navigation 2019

Chers amis,

L’Ecosse!

Pas celle que vous croyiez connaître.

Mais celle là-bas tout en haut. Près des Iles Orcades, du port de pèche de Thurso.

Scrabster, où nous attendent Martine, Marc et Rémy ainsi que Magda, Jean et Jean-Louis qui nous quitteront tout a l’heure.

Le bout du monde avec la mer qui s’étale à nos yeux, une température qui donne à penser que l’eau doit être bien froide, des nuages où crève parfois un petit coin de bleu, des oiseaux qui virevoltent et où règne le silence des hommes.

Seuls ou presque sur la falaise qui plonge en estrades d’ardoises à humer le vent d’ouest qui nous inquiète. C’est que demain, il nous faudrait nous en aller vers les Iles Hebrides avant de plonger vers le sud et la côte ouest. Windy est appelé en renfort, et Windfinder, et Météo-Consult et XC Weather.

30 et peut être jusqu’à 40 noeuds de vent dans le pif pendant quatre  jours.

Marc prend la décision de la sagesse. A nous le canal Calédonien, Nessie, les lochs qui s’égrènent comme des chapelets de grains de malt au pays du whisky. Mais avant cela une sympathique navigation côtière sous genaker ou génois tangonné, et un parfait mouillage avec une … plateforme pétrolière sagement posée dans la rade en fond d’image.

Le système d’écluses du canal ouvre à 8h30 demain, et notre départ est prévu pour 5h30 avec Martine, Marc et moi-même sur le pont .

La température est toujours fraîche,  mais les premiers rayons réchauffent timidement le large estuaire et soulèvent une brume qui prend des allures de banquise. Un vrai moment de grâce que nous dégustons avec gourmandise en compagnie de dauphins.

232 livres sterling à acquitter pour nous autoriser le passage des sas et biefs et l’utilisation à notre guise des douches et sanitaires disséminés tout au long du trajet qui prendra deux jours et demi.

Je vous ai dit que la météo  prévoyait au nord de très  forts vents de sud-ouest. Nous en sentirons les effets en Calédonie et la navigation sera de ce fait motorisée.  Qu’à cela ne tienne,  les paysages sont superbes et le fantôme du monstre nous envoie des nuages bien lourds qui ne crèveront heureusement pas et donneront à la scène des lumières vraiment particulières. Nous appontons en bout du Loch Ness dans un cadre de carte postale.

Le moment de penser à nous et a vous restés tristement au pays à transpirer les mille gouttes sous une chape de canicule. Pendant le seul jour de pluie continue, nous nous sommes résolus à  pendre nos tenues dégoulinantes dans le cabinet de toilette dans lequel nous avons glissé la chaufferette électrique ouverte au minimum. Et cela marche! Le carré,  lui, était délicatement réchauffé par notre superbe poêle au kérosène que d’aucuns affublent du vocable de bombe alors même que les vieux et vrais marins ne juraient autrefois que par lui.

Nous atteindrons bientôt Fort William et les effluves des distilleries en grappes serrées,  laisserons Oban sur bâbord et remonterons vers Mallaig, destination de cette première semaine de voile réellement écossaise.

Ce fut le moment de nous régaler des compétences du bord, avec Marc bien évidemment en futur capitaine au long cours dès qu’il aura soigné et guéri tous ceux qui peuvent l’être à Jurbise et au delà, Rémy qui barre d’un doigt négligent, qui borde, choque, étarque avec les autres et nous fait le bonheur de sa jeune et haute présence, Olivier que bien peu connaissent mais qui fera son trou bien creusé au sein de notre Bourse par ses compétences et sa gentillesse, et Martine que l’on voit partout où elle peut se rendre utile, avec sa gentillesse, son doux sourire et son bonheur sur l’eau, surtout lorsqu’elle se tient à la barre. Et Eric, le viking, comme l’appellera demain Muriel. Eric qui cumule la compétence prudente, la formation acquise, le sens de la voile, la barre sûre et une parfaite maîtrise de l’appontement léger.

Nous les perdrons tout à l’heure, sauf Olivier et Eric qui nous accompagnent en deuxième semaine. Ils seront remplacés par Michel et sa fille, Muriel, et Véronique, la tendre moitié d’Olivier. La cabine nuptiale d’avant a refait le plein, alors que Muriel et votre serviteur se partagent les cabines arrières et Eric et Michel, le carré,  tout tout près  de la réserve à  Whisky.

Eric, nouveau skipper en chef et formateur distingué  invite l’équipage a une réflexion profonde sur les choix d’itinéraires adaptés à  la météo capricieuse du coin. Oban s’inscrit en premier et nous verrons ensuite les meilleurs options. Les premières indications incitent à la prudence, puisque, à nouveau,  de forts vents d’ouest sont annoncés dans le chenal direct qui devrait nous mener vers l’Irlande du Nord et Glenarm, notre destination.

Première nav’ et la gîte est au rendez-vous.  Près serré et vents de 25 à 30 noeuds avec une rafale captée à 45 noeuds et Georges qui se couche sur le flanc en envoyant valdinguer dans le carré tout ce qui était niché  dans les équipets. Olivier se régale à la barre et l’équipage se serre dans le cockpit pour profiter du spectacle, du vent et du bateau qui file allègrement ses 7 noeuds avec 3 bons ris et des tours dans le génois. Oban est bien abrité des vents d’ouest et nous fournira un gîte confortable et le spectacle de ses maisons colorées au milieu desquelles nous dénichons un vrai pub écossais qui sert une Guiness avec un art réellement consommé.

Vous ai-je dit que notre bord était au tiers féminin et que Muriel est un sacré  numéro? Pilote d’avion, du moins à ses dires, ayant bourlingué un peu partout avec ou sans son mari, avec ou sans ses enfants, avec des tatouages que l’on ne peut pas ne pas voir, une faconde qui nous laisse souvent pantois et plus particulièrement Véronique, un réveil parfois difficile et fréquemment tardif, des tenues qu’on pourrait appelées marines puisqu’elle les a portées sur un bateau, et au pub un cigare aux lèvres puisqu’on y était en jardin privé… Muriel fera à sa manière nos délices du bord tout en donnant un sérieux coup de main aux tâches ménagères, aux appontements, aux manoeuvres d’écluses, et même à la barre.

Il sera dit que les éléments règneront en maître et l’Atlantique Nord tout proche nous gratifie en continu de rafales d’ouest qui nous inclinent à nouveau à modifier nos itinéraires. Nous ferons champêtre, et même bucolique puisque nos avis mis en commun nous convoient vers le canal de Crinan, ses 15 écluses manuelles et ses photos de carte postale. Un pur bonheur que nous dégustons à pleins yeux, pleines oreilles et même plein nez, puisque ce gentil canal étroit est chargé sur ses deux bords de jonchées de fleurs aux couleurs tendres et fraîches. Les vantaux lourds des biefs sont actionnés par deux membres d’équipage à la seule force de leur bras, sauf la numéro 8 qui exigera l’appoint de sept gaillards pour être mise en place. Nous passerons quasiment deux jours sur le canal dans un véritable havre de paix.

Au sortir du canal, Eole est avec nous et nous filons bonne erre vers Campbelltown et au delà, l’Irlande du Nord et plus précisément Glenarm. Joli petit port nanti d’une église catholique de l’Immaculée Conception et d’un vénérable château au superbe “Walled Garden” de 4 hectares.

Une visite mémorable et pour tout dire magnifique. Les gazons, les mixed boarders, les arbres, les alignements, les perspectives, les jeux d’eau tout concourt à faire de cette visite un vrai régal.

Glenarm était notre lieu de relais, mais des contacts avec l’équipage suivant ont mis en place une variante plus proche de Belfast, puisque nous étions largement dans les temps. Nous rencontrerons donc Joseph, Philippe et ses trois filles de 8, 12 et 16 ans à Bangor, port dans les environs immédiats de Belfast.

Une nouvelle page a été tournée pour des équipages de la Bourse d’Equipage Barry avec son lot de petits bijoux côtiers, de gentils villages, d’habitants dont j’avais sous-estimé la gentillesse et les copains du bord remplis du bonheur de vivre ensemble une magnifique aventure marine.

Yves